Zeineb et les flics

Publié le par kurt cobain

Zeineb et les flics 
Dr Moncef Marzouki
28-4-2006
Ali Ben Salem
Il y a quelques années, la télévision égyptienne a diffusé un feuilleton intitulé « Zeineb et le trône », qui a tranché avec ce style de productions. Les téléspectateurs du monde arabe se sont passionnés pour cette œuvre qui évoquait - pour une fois – la persécution et les souffrances découlant d’un régime politique censé apporter les solutions et qui s’est révélé, en fin de compte, porteur de problèmes.
 
Me voilà rêvant d’un film tunisien (le jour où la liberté triomphera) qui aurait pour titre : « Zeineb et les flics ». Zeineb serait l’héroïne et le film raconterait une partie des souffrances de notre peuple affligé, depuis vingt ans, par un régime perfide.
 
Zeineb est une femme du peuple. Les lumières ne se sont pas attardées sur elle. Aucun comité de soutien national ou international n’a été créé pour la soutenir. Elle n’a remporté aucun prix de droits de l’Homme et n’a observé aucune grève de la faim pour que l’on s’intéresse à son cas. Pourtant, cette modeste, généreuse, accueillante et bonne femme résume , à elle seule, toute la tragédie tunisienne.
 
Hier, je lui ai téléphoné pour avoir des nouvelles de son mari - notre professeur à tous et grand militant – Ali Ben Salem. Il venait d’être admis d’urgence à l’hôpital. Au téléphone, Lella Zeinab a pleuré. Elle m’a raconté la façon avec laquelle la police politique a serré l’étau autour du Cheikh malade. Elle m’a décrit les hordes de policiers qui le suivaient, tel son ombre, dans ses moindres déplacements (il s’agit d’une méthode ingénieuse du technicien en chef Mohamed Ali Ganzoui, apprise directement chez le dictateur). Elle m’a décrit son état physique et psychologique, lui qui était traqué par des gens qui se rapprochent plus des bandits de grand chemins qu’à de fonctionnaires de l’État. Malgré les larmes qui coulaient silencieusement sur mes joues, j’ai explosé de rire. Tandis que Lella Zeineb racontaient ceci à travers ses plaintes :
 
« Peux-tu croire ce que m’a dit un des policiers alors que l’homme est toujours sur son lit d’hôpital ? Il m’a fait remarquer qu’il avait juste à faire repentance ».
 
Ali ben Salem, toi qui es peut-être au dernier virage de ta vie, devrait te repentir de tous tes pêchés ! Repentance pour avoir adhéré, à 16 ans, à la résistance militaire pour libérer la Tunisie de l’occupation. Repentance de t’être levé devant la tyrannie de Bourguiba et d’avoir passé 11 ans de ta vie derrière ses barreaux. Repentance de t’être inscrit dans la mouvance démocratique et celle des droits de l’Homme, dans les années 1980. Repentance d’avoir co-fondé le Conseil national pour les libertés. Repentance d’avoir transformé ta demeure de Bizerte en une maison des droits de l’Homme. Il ne te reste plus qu’à rattraper le temps perdu, qu’à prendre ta carte au sein du Parti des « affaires », qu’à payer – le sourire aux lèvres - la taxe du « 26-26 » pour éviter de verser les impôts à l’État officiel, ou ce qu’il en reste. Tu devrais faire partie d’une des bandes criminelles et ainsi obtenir un juteux permis d’import-export. Tu serais bien inspiré de chanter les louanges de la nouvelle ère. Tu dois devenir un salaud, un menteur, un trafiquant, un faussaire ou un voleur. Tu dois faire partie des Tunisiens dont les valeurs sont les suivantes : Évite de toucher à ma tête et frappe qui tu veux, le peureux arrive toujours à se sauver, embrasse le chien sur la bouche jusqu’à ce que tu finisses de faire affaire avec lui, le mari de maman est mon papa. Arrête ton extrémisme, « Amm » Ali…!
 
Lella Zeineb a poursuivi : « Ils nous ont affamé. Nous en sommes pratiquement à vivre d’eau et de pain. Ils ne nous ont même pas permis de louer une partie de notre logement. Les éventuels locataires sont convoqués par la police ».
 
La technique d’affamer est celle utilisée par le ministère de la torture contre tous les opposants. Pour résumer, Lella Zeineb est encerclée par Ganzoui, Ben Ali et le chef de la police secrète de Bizerte. Ils veulent l’affamer, l’humilier et lui faire peur. Elle est surtout encerclée par les Tunisiens adeptes du : Évite de toucher à ma tête et frappe qui tu veux, le peureux arrive toujours à se sauver, embrasse le chien sur la bouche jusqu’à ce que tu finisses de faire affaire avec lui, le mari de maman est mon papa. Arrête ton extrémisme, « Amm » Ali…!
 
Le seul espoir pour Zeineb et pour la Tunisie, ce sont les Tunisiens remplis des valeurs de l’arabité et de l’Islam. Soutenez-là, vous qui êtes épris des principes [de justice] d’Omar Al Farouk, [du poète] d’Al Moutanabbi et d’Abul Kacem El Chebbi.
 
En attendant que les vents de la révolution démocratique et pacifique ne soufflent – seul rempart pour arrêter ce cauchemar et éviter sa répétition sous la forme d’un 7 novembre bis -, ne laissez pas Lella Zeineb aux loups. Elle a besoin de votre soutien. Ainsi, le message se rendra à « Amm » Ali qui lutte contre la mort. Il saura que, tout comme lui, nous ne laisserons jamais tomber Zeineb.
 
À propos de « Amm » Ali, il doit savoir que je le boycotterai à vie, s’il avait dans l’idée de nous quitter maintenant. Nous avons tellement besoin de la présence de celui qui est le trait d’union entre trois générations éprises du pays. Puisse Dieu guérir cet homme exceptionnel. Qu’il nous revienne en santé pour voir cette aube dont il a tant rêvé quand il était dans la maison des fantômes.
 
Le numéro de téléphone est le : 72 435.440. S’il est coupé, l’adresse est le : 75, rue Farhat Hached, Bizerte.
 
S’ils censurent vos lettres – ce qui est pratiquement certain – qu’ils lisent ce que vous allez écrire. S’il vous est impossible d’apporter un quelconque soutien moral ou financier, souvenez-vous au moins que Zeineb est encerclée, insultée affamée et terrorisée. Elle attend ses libérateurs. Il ne reste plus de place qu’à la détermination et à l’endurance.
Traduit de l’arabe par : Taïeb Moalla, tmoalla@yahoo.com

Publié dans tunisie

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