Du bon usage de l’histoire

Publié le par kurt cobain

Du bon usage de l’histoire

 

Liberté Chérie

Il y a un constat qui s’impose à nous tous, celui de reconnaître que le rythme de l’histoire suit rarement celui de nos souhaits. La Tunisie d’aujourd’hui est un pays scindé en deux parties distinctes dont la jonction n’est pas encore au rendez-vous. Deux rythmes à vitesses différentes, celui d’une opposition submergée par un sentiment de frustration et d’injustice qui rend le quotidien quasiment insupportable et celui du reste de la population qui continue son hibernation et dont la lenteur du mouvement accentue la frustration de l’opposition pour ne pas dire son désespoir. Deux rythmes nullement en phase d’où la nécessité de la recherche d’accélérateur de particule international (ONG, partis politiques, personnalités indépendantes) tout est bon à prendre pourvu que le mouvement s’accélère.

Il est important, me semble-t-il de s’arrêter un moment et de réfléchir sur les moyens de mobiliser l’intérieur du pays sans lequel le soutien étranger n’aura aucun sens. Après le SMSI une victoire sans précédant a été remportée en terme de sensibilisation de l’opinion internationale en démasquant -si besoin est encore- le vrai visage du régime. Mais l’autre leçon de cette mobilisation est que cette sensibilisation de l’opinion internationale a très vite atteint ses limites car elle ne trouve pas encore de prolongement concret dans les ministères des affaires étrangères pour se transformer en pression, voire sanction contre le régime. Alors que faire ; maintenant qu’on sait que le changement ne peut pas provenir de l’extérieur même si l’appui étranger est tout à fait appréciable. Tout d’abord observons l’état des lieus à l’intérieur du pays.

Pour schématiser, on peut dire que la géographie humaine en Tunisie se divise en trois parties distinctes. La majeure partie de la population qu’on pourra estimer à 60% est faite de personnes sans la moindre conscience politique et maintenue dans une quasi ignorance par des moyens de propagande classique, par la sentiment de soumission qu’une certaine conception de la religion favorise et par l’énorme fossé qui sépare leur quotidien du monde politique pour ne citer que les éléments les plus flagrants. Les 30% restant, formée par la classe moyenne et les autres (entrepreneurs, voleurs, cadres supérieurs, serviles du parti, etc) arrivent à tirer leur épingle du jeu en profitant de l’absence de l’Etat de droit et en s’adaptant à une situation qui somme tout n’est pas si catastrophique quand il s’agit bien sûr de leurs ventres. D’ailleurs cette classe sociale apprécie ses menus privilèges en regardant les difficultés des classes laborieuses et ces dernières apprécient leurs situations quand ils se comparent à ce qui se passe dans certains pays pauvres et pour cela la presse du régime accomplie sa mission avec brio.

Pour les 10% qui reste et qui est composée de gens encore debout, qui ont une autre conception de la dignité humaine et des priorités, le régime a consacré 130 000 policiers pour les neutraliser et les empêcher de « nuire ». Pour cette catégorie sociale le rythme de l’histoire n’est pas suffisamment rapide et chaque jour qui passe est perçu comme une perte pour la Tunisie et une aggravation de la situation d’où le différentiel temporel entre eux et l’écrasante majorité de la population. Que faire alors pour rapprocher les deux axes du temps ou plutôt pour ramener la population à suivre une cadence normale, celle qui limiterait les dégâts et favoriserait le basculement dans la vraie histoire celle qui leur rendrait leur humanité. Je suis désolé, je ne prétends pas détenir une solution magique si ce n’est celle proposée par Hichem Jait, à savoir éduquer le peuple. Oui bien sûr cela prendra du temps et accentuera encore plus le décalage entre les deux temps. Mais c’est indispensable de le faire à travers les moyens technologiques et humains dont on dispose. L’idée de lancer une chaîne de télévision satellitaire est très bonne à condition qu’on ne tombe pas à nouveau dans le piège de « Al Moustakilla ». La visibilité de l’opposition est primordiale pour répondre à la remarque la plus récurrente dans la bouche des Tunisiens « mais il n’y a personne pour prendre la relève ! » en fait ils veulent dire ils n’ont vu personne tant le désert médiatique est aride. Il faudrait donc rendre l’opposition démocratique visible et pour cela on est plusieurs à vouloir aider d’une manière ou d’une autre.

L’autre axe est celui de l’action sur le terrain qui peut briser le complexe paralysant de la peur. Me Hammami a affirmé que l’opposition ne va plus se contenter des communiqués et veut investir la rue. Cette déclaration ambitieuse peut paraître irréaliste tant les rapports de forces sur le terrain sont déséquilibrées, pour un manifestant le régime peut opposer 1000 policiers et étouffer toute prolifération de la contestation, tout cela on le sait depuis que le régime a investi dans le tout sécuritaire, il faudrait donc inventer une autre manière d’investir la rue à travers les relais dans le monde estudiantin, et syndicale. On pourrait peut être voir nos vaillants avocats en robe noir se rassembler dans le centre ville de la capital pacifiquement en association avec les juges de la dignité. Que le monde entier voit comment on frappe les élites de la Tunisie et comment on piétine la justice. Que les citoyens tunisiens puissent voir qu’il y a encore des hommes et des femmes dignes dans ce pays, que les correspondants des journaux et télévision puissent voir qu’il y a un réveil tunisien. L’effritement du pouvoir d’achat, le ras-le-bol latent, et la pression étrangère peuvent alors constituer un cocktail qui portera un jour ses fruits. Il est évident que les forumiers ne manquent pas d’idée il suffit de les formuler et les soumettre à qui de droit (campagne de mailing par exemple, de fax à envoyer à tous les établissements et les entreprises sur la base d’un texte commun pour dire non, etc,) Mais l’essentiel c’est de ne pas oublier le temps de l’histoire.

Liberté Chérie

tunisie source www.tunezine.com

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