Omerta par Yahyaoui mokhtar

Publié le par kurt cobain

Omerta par Yahyaoui mokhtar
jeudi 19 janvier 2006

 


La même question m’a été posée souvent ces derniers temps : « Pourquoi vous n’écrivez plus ? » Je ne sais pas si on est aussi en droit de revendiquer un droit au silence comme on revendique le droit à la liberté d’expression. Le silence peut il procéder de l’omerta dans certaines conditions déterminées.

Le brouhaha qui a précédé et accompagné le dernier sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) c’est vite estompé laissant tout un pays seul isolé tel un corps inanimé que seuls les vautours se disputaient. Ceux qui clamaient « on a gagné » de tout bord ont tort, notre pays n’a jamais été aussi ligoté et bâillonné comme elle l’est en ce début d’année. La vie pourtant coule doucement à longueurs de journées qui se succédaient sans que rien ne se passe sauf les hâtifs préparatifs de la dictature pour fêter son jubilé.

Aujourd’hui aussi rien ne se passait comme d’habitude. je me suis décidé à reprendre mon blog sans être vraiment certain de pouvoir édité ce texte dessus comme j’ai l’intention et moins sur encore de pouvoir garantir que ce texte ne subit le sort de tous les brouillons délaissés pendant les trois derniers mois écoulés.

Tounes el mahrousa, comme disait nos aïeuls, continue à mériter son patronyme. Sans besoin de la baraka de ses vénérables saints dont elle tire son appellation, aujourd’hui c’est la milice -pour ne pas insulter la police- qui veille directement sur sa sécurité. Mon silence observé tous ces derniers temps n’aura servi à rien, je demeure un important suspect que ma garde rapproché continue d’observer à longueur de jour comme de nuit. Ils sont là à me guetter, impossible de s’en séparer. Il faut que je sorte pour m’éloigner de la foule du centre ville ou j’habitais pour les voir derrière moi en voiture comme à pieds leur mission est de ne pas me relâcher de leur champ de vision. Tard dans la nuit quand la rue est déserte de tout passant on peut les voir clairement derrière le pare-brise de leur voiture qui surplombe l’entrée de l’immeuble et donne sur les balcons de mon appartement. Samedi à Sfax j’avait eu droit à toute une caravane pour me déplacer, avec trois voitures qui me suivaient j’ai du demander la permission des personnes que je voulais visiter s’il acceptaient ma garde avant d’aller les rencontrer.

Le problème avec ce genre de situation est qu’on ne peut pas s’empêcher d’y penser. Le plus intrigant est quand on sait au fond de soi même qu’on n’a rien fait pour mériter toute cette attention et qu’on n’a même pas l’intention d’en faire pour la mériter. J’ai le pressentiment qu’on cherche à faire le siège de mon « Palais de rêve » comme le décrit l’albanais Ismail Kadaré qui dit que « L’enfer est le commencement des lois, de la légitimité, je ne sais pas comment dans les manuels de droit débutent l’étude historique de la jurisprudence, mais je crois qu’elle devrait débuter par l’enfer en général. L’enfer est le premier code pénal de l’humanité... Le concept de droit commence par l’enfer ! »

Je ne vois personnellement aucune utilité à construire des villes de pierres si on va se condamner à vivre dans des cités d’enfer et dépendre de gardiens pour la paix de ses dirigeants. A quoi servira-t-il de parler si on est incapable d’épargner à tous ceux qu’on aimait ce passage obligé par l’enfer que doit emprunter notre chemin pour la liberté ? Les sons de la voix pour être entendu comme l’intellection des mots qu’on peut composer peuvent se disperser dans la confusion et échapper à ceux pour qui ils sont destinés.

Ce qui me fait peur c’est la peur, cette peur qui continue à nous habiter avec ce sentiment de terreur qui nous présente l’ennemi comme notre seul allié pour nous engager dans une voie sans issue. Cette dépendance du mal qui ronge notre cité qui corrompt notre morale et nous fait dévier de tous nos repères, cette incapacité de trouver dans l’abîme de l’humiliation ou tout un pays est réduit les mots justes qui peuvent être entendu par tous.

Yahyaoui mokhtar Tunis le 16 janvier 2006

tunisie source www.reveiltunisien.org

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