Un mort vivant en grève de la faim en Tunisie
Un mort vivant en grève de la faim en Tunisie Le professeur Ben Salem jeûne depuis le 30 mars pour dénoncer le harcèlement policier. par Christophe AYAD Rien de nouveau sous le soleil de Ben Ali, où l'on est obligé de se mettre en grève de la faim pour bénéficier des droits les plus élémentaires, qu'on soit simple citoyen ou prisonnier d'opinion. Tout comme le journaliste Taoufik Ben Brik, le professeur Moncef Ben Salem a cessé de s'alimenter depuis le 30 mars pour dénoncer les «persécutions» dont il fait l'objet depuis dix-neuf ans. Joint au téléphone, ce professeur d'université vivant à Sfax se dit prêt à aller jusqu'au bout : «Je préfère la mort à la vie qui est la mienne.» Enfer. Le quotidien de ce docteur en mathématiques et en physique théorique, fondateur du département de mathématiques de Qu'a donc commis Moncef Ben Salem, 53 ans, pour mener cette vie de mort vivant ? Emprisonné sans jugement de 1987 à 1989, il a été condamné à trois ans de prison, qu'il a purgés de 1990 à 1993, pour «diffamation» et «diffusion de fausses nouvelles». Moncef Ben Salem admet des «sympathies islamistes», c'est tout. «Si j'avais été membre d'Ennahda, j'aurais eu droit à la prison à vie !» Protestations. Depuis le début de sa grève de la faim, Ben Salem n'a été contacté par aucune ambassade occidentale, bien qu'il ait collaboré avec le CNRS, des universités européennes ou nord-américaines ainsi que de prestigieuses revues. Tunis s'est pourtant cru obligé de préciser, via une source anonyme et contre toute évidence, que Ben Salem était «libre de ses mouvements» et ne faisait l'objet d'«aucune restriction». Une réponse indirecte aux protestations émises la semaine dernière par le département d'Etat concernant «le harcèlement à l'encontre de militants et d'organisations de la société civile en Tunisie». Washington s'inquiétait notamment du sort de Neila Charchour Hachicha, fondatrice du Parti libéral méditerranéen, dont l'entourage fait aussi l'objet d'un harcèlement judiciaire et médiatique. Autre sujet de préoccupation, l'avocat Mohamed Abbou, condamné en 2005 à trois ans et demi de réclusion, pour un texte critiquant Ben Ali. Maltraité, privé de visites dans sa prison du Kef, à Source : « Libération » (France), le 12 avril 2006